Un certain juif Jésus. Tome II : Les paroles et les gestes

Le second tome de la recherche sur le Jésus historique de John P. Meier
Dernière modification écrite le lundi 2 avril 2007

(JPG) Les pièces du puzzle commencent à se mettre en place. Au minimum, Jésus était perçu par d’autres et par lui même comme un prophète eschatologique au sens large. Il proclamait la venue imminente de la souveraineté royale de Dieu et de son règne. Mais, contrairement au Baptiste, Jésus proclamait et célébrait le royaume de Dieu déjà présent dans son ministère. Ce royaume était présent dans la puissance de sa prédication et de son enseignement, dans la communauté de table offerte à tous, y compris aux collecteurs d’impôts et aux pécheurs ; mais, pour ses auditeurs juifs, il était étonnament présent, palpable, efficace dans ses miracles. Ces miracles, en particulier ceux que l’on pensait être des miracles de résurrections de morts, donnaient presque inévitablement à Jésus le rôle d’Elie ou d’Elisée. Un prophète itinérant et un thaumaturge, un prophète dont le territoire était surtout celui du nord d’Israël, un prophète qui parlait au lieu d’écrire, autant de traits qui renforçaient le rapprochement (...) Tout cela contraste fortement avec un portrait populaire du Jésus historique que l’on trouve dans la littérature actuelle, un Jésus gentil qui prêchait la douceur et l’amour à la manière d’un rabbi Hillel (...) Ce Jésus est instantanément pertinent et utilisable aujourd’hui en morale, dans les homélies, dans les programmes politiques et dans les idéologies de divers niveaux. Par contre un juif du 1er siècle qui se présente comme le prophète eschatologique de l’arrivée imminente du Royaume de Dieu, un royaume que le prophète rend présent et effectif par des miracles évoquant Elie et Elisée, n’est pas directement pertinent et utilisable. Mais pour le meilleur ou pour le pire, cet étrange juif marginal, ce prophète eschatologique, ce thaumaturge, est le Jésus accessible par les méthodes historiques modernes, lorsqu’elles sont appliquées aux données avec pondération.

John P. Meier. Un certain juif Jésus. Les données de l’histoire. II : Les paroles et les gestes

Je serais un peu moins enthousiaste pour le second tome de un certain juif Jésus : Les paroles et les gestes que pour le premier. Pas qu’il soit moins bien écrit ou moins intéressants que le premier. Mais d’une part, il est nettement plus long (1250 pages dont 500 de notes) et d‘autre part, si je trouve généralement fascinante l’explication des méthodes de recherche, la description de leur mise en application me paraît souvent un peu plus fastidieuse. Notamment dans la dernière partie sur les miracles où chaque récit de miracle est passé au crible des 5 critères de présomption d’historicité (l’embarras (les actions et parole de Jésus embarrassantes pour l’Église primitive), la discontinuité (ou dissemblance) (les paroles et les actes de Jésus ne pouvant dériver ni du judaïsme du temps de Jésus ni de l’Église primitive), l’attestation multiple (paroles et actes de Jésus attesté par plus d’une source littéraire indépendante), la cohérence (paroles et actes de Jésus en harmonie avec la base de donnée établie au moyen des trois critères précédents), le rejet et l’exécution (actes et parole menaçant, dérangeant, exaspérant les gens notamment les autorités)). Ceci dit, je trouve assez audacieux de la part de Meier de signaler que réfuter systématiquement l’historicité des miracles au nom des lois scientifiques n’est pas une attitude d’historien mais déjà une prise de position confessante... L’historien peut déterminer si un évenement extraordinaire a eu lieu dans un contexte religieux, si quelqu’un a affirmé qu’il s’agissait d’un miracle, et dans le cas où les témoignages le permettent, si une intervention humaine, des forces physiques existant dans l’univers, une erreur d’interprétation, une illusion ou une supercherie sont susceptibles d’expliquer l’événement. Si toutes ces explications sont exclues, l’historien peut conclure qu’un événement reconnu comme miraculeux par certains, ne trouvent d’explication raisonnable ou de cause plausible dans aucune activité humaine ni dans aucune force physique. Si l’on va au-delà de ce jugement pour affirmer soit que Dieu est intervenu directement pour produire cet événement étonnant soit que Dieu n’a pas fait celà, on dépasse les limites de ce que peut affirmer un historien en sa qualité d’historien et on entre dans le domaine de la philosophie ou de la théologie

Attention, si je suis moins enthousiaste que pour le premier volume, je ne dis pas que le livre soit mauvais, loin de là ! L’enquête historique reste passionnante, elle me paraît juste un peu moins accessible, un peu plus rébarbative... A travers une étude détaillée des données sur Jean le Baptiste, sur l’enseignement de Jésus et sur les miracles, Meier nous propose donc le portrait d’un juif marginal, issu du groupe du Baptiste et marqué par l’enseignement de celui ci. Un thaumaturge reconnu par les foules et singularisé par son annonce d’un Royaume de Dieu comme un événement immanent mais en même temps comme une réalité concrète déjà bien présente, dont il est possible de faire l’expérience dans sa propre existence... Le portrait ainsi dressé ne me paraît pas vraiment révolutionnaire (mais peut-être semblera-t-il quelque peu nouveau à quelqu’un de plus extérieur au sérail théologique). Mais le principal intérêt n’est pas là : le travail de Meier reste une mine d’informations sur les méthodes de la recherche historique, sur la composition des évangiles et sur l’époque de Jésus, un Advanced Corpus Christi, en quelque sorte... Le troisième tome doit aborder les relations de Jésus avec les judaïsmes de son époque...

John P. Meier. Un certain juif Jésus. Les données de l’histoire. Tome II : Les paroles et les gestes. Edition Cerf


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