Dieu a tant aimé le monde

Dernière modification écrite le mercredi 3 septembre 2008

Jean 3/16-18 Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

Le texte (la suite du dialogue entre Jésus et Nicodème) qui nous est proposé pour être médité est dur. Nous aurions presque une tendance naturelle de le corriger ou faire taire. Mais, et ici se place la richesse des textes bibliques, le texte par sa forme directe invite à être traiter tel qu’il est. Essayons donc de le faire... et assumons sa dureté... Dans son dialogue avec Nicodème Jésus dévoile la source de l’œuvre rédemptrice qu’il vient de décrire : c’est l’amour de Dieu même. Ce monde, cette humanité Jésus le présente à Nicodème comme l’objet de l’amour le plus infini : "Dieu a tellement aimé le monde" ... Le don que Dieu lui fait, c’est le Fils ; non pas seulement le ­Fils de l’homme, comme il était appelé v. 13 et 14 en rapport avec son humanité, mais son Fils unique. L’intention n’est plus en effet de faire ressortir l’homogénéité de nature entre ce rédempteur et ceux qu’il doit instruire et sauver, mais l’immensité de l’amour du Père ; or la grandeur de cet amour résulte du prix que cet envoyé a pour le Père lui-­même. Le choix du verbe est également significatif ; c’est le terme donner et non pas seulement celui d’envoyer : donner, abandonner, et cela, s’il le faut, jusqu’aux dernières limites du sacrifice. L’amour du Père précède tout. L’universalité du salut (quiconque), la facilité du moyen (croit), la grandeur du mal prévenu (ne périsse point), l’infini, en excellence et en durée, du bien accordé (la vie éternelle) : toutes ces notions sont nouvelles pour Nicodème. C’est l’exposé du véritable salut messianique. D’après ce passage, la rédemption n’est pas arrachée à l’amour divin ; elle est sa pensée, elle est son œuvre. Il en est de même chez Paul : « Tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ » (2 Cor 5/18). Cet amour spontané du Père pour le monde pécheur n’est point incompatible avec la colère et les menaces de jugement ; car c’est ici, non l’amour de communion qui unit à Dieu le pécheur pardonné, mais un amour de compassion, semblable à celui qu’on éprouve pour des malheureux ou des ennemis. L’intensité de cet amour résulte de la grandeur même du malheur qui attend celui qui en est l’objet. Ainsi se lient dans cette parole les deux idées en apparence incompatibles renfermées dans les mots : tellement aimé et ne périsse point. Une notion est inséparable de celle de la rédemption : c’est celle du jugement. Chaque pharisien partageait les hommes en sauvés et en jugés, c’est-à-dire en circoncis et en incirconcis, en Juifs et en païens. Jésus, qui vient de révéler l’amour rédempteur envers le monde entier, dévoile maintenant à Nicodème la nature du vrai jugement. Et cette révélation aussi est une transformation complète de l’opinion reçue. Ce ne sera pas entre Juifs et païens, ce sera entre croyants et incrédules, quelle que soit leur nationalité, que passera la ligne de démarcation. Mais, le but de l’envoi du Fils, tel qu’il est indiqué dans le verset 17, prouve que cet envoi est bien une œuvre d’amour (v. 16). Le mot monde est répété trois fois avec emphase. Nicodème doit entendre de façon à ne plus l’oublier que la bienveillance divine embrasse toute l’humanité. Cette phrase est destinée à exclure l’idée juive d’après laquelle le but immédiat de la venue du Messie était d’exercer le jugement sur les peuples païens. Ce que Jésus veut dire, c’est que sa venue dans le monde a pour but, non un acte de jugement, mais une œuvre de salut. Cependant, lors même que le but de sa venue est de sauver, non de juger, un jugement, mais tout autre que celui auquel pensaient les Juifs, va s’opérer à l’occasion de cette venue : un jugement de nature morale, dans lequel ce n’est pas Jésus qui prononcera la sentence, mais ce sera chaque homme qui décidera lui-même de son salut ou de sa perdition. L’idée du verset 18 est celle-ci : « Je ne juge personne, par la raison que celui qui croit n’est pas jugé, et que celui qui ne croit pas s’est déjà jugé lui-même ». Comme quelqu’un l’a bien dit : « C’est ici la justification par la foi et la condamnation par l’incrédulité ». Jésus ne juge pas le croyant, parce que celui qui accepte le salut qu’il apporte n’est plus sujet au jugement. Jésus ne juge pas le non croyant, parce que celui qui refuse de croire trouve son jugement dans ce refus même. Un tel homme a prononcé lui-même, par son incrédulité et sans que Jésus ait eu besoin d’intervenir judiciairement, sa sentence. Le sens donc est : l’un ne doit pas être jugé ; l’autre l’est déjà ; par conséquent le Fils n’a pas à intervenir personnellement pour juger. Le titre de Fils unique fait ressortir la culpabilité de ceux qui repoussent un tel être et l’œuvre qu’il accomplit. Plus le Sauveur est glorieux, plus il est grave de se détourner de lui. Plus il est saint, divin dans toute son apparition, plus l’incrédulité envers lui témoigne d’un sens profane. L’expression « celui qui n’a pas cru », désigne non l’acte de ne pas croire, mais l’état qui en résulte : « Parce qu’il ne se trouve pas dans la position favorable d’un homme qui a donné sa confiance à un tel être ». La séparation morale entre les hommes, décrite v. 18, constitue le jugement dans son essence ; c’est là l’idée développée dans les vv. qui suivent : 19-21. Par la position que prennent les hommes à l’égard de Jésus, ils se classent eux-mêmes en réprouvés ou sauvés.

d’après Fr. Godet, Commentaire sur l’Evangile de Saint Jean, Neuchatel 1970


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