La sauvegarde de la création de Dieu

Guide pour une discussion sur la sauvegarde de la création, proposé au 3e Rassemblement Oecuménique Européen de Sibiu
Dernière modification écrite le samedi 30 août 2008

La sauvegarde de la création de Dieu

Introduction

La crise écologique que connaît l’humanité a divers aspects. Nous sommes appelés à répondre aux défis du futur sur une multitude de fronts. Les changements climatiques globaux représentent certainement le principal défi pour la génération actuelle et, plus encore, pour celles de demain. Ils ont des conséquences écologiques et socio-économiques majeures pour l’humanité et constituent en outre une grave menace pour l’environnement. Les changements climatiques anthropogéniques illustrent bien les trois dimensions de la crise écologique, qui est universelle mais ses effets négatifs pèsent plus durement sur les plus pauvres ; intergénérationnelle, parce que les générations futures devront porter le fardeau de notre mode de vie, et perturbatrice de l’ordre de la création, parce qu’elle représente le plus profond changement de la biosphère causé par les hommes de toute l’histoire. Trop longtemps, les Églises sont restées silencieuses devant la crise écologique. Ces dernières années, toutefois, elles prennent conscience chaque jour un peu plus de l’urgence de la situation. Face aux implications éthiques de la crise, elles ont compris que de demeurer silencieuses équivaudrait à bafouer les valeurs chrétiennes et humaines. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à exprimer clairement notre préoccupation devant la destruction de l’environnement et, plus encore, à agir en conséquence. La crise écologique, et en particulier les changements climatiques, sont un « signe des temps » qui interpelle la foi chrétienne en Dieu comme Créateur et Rédempteur. La lumière du Christ illumine non seulement tous les humains, mais toute la création. Nous sommes appelés à redécouvrir la signification du Christ qui vient à notre rencontre aujourd’hui dans une création qui souffre. Nous sommes mis au défi de répondre à la lumière du Christ en instaurant une autre relation avec la nature, et d’éclairer les autres par notre témoignage de justice et par un style de vie écologiquement soutenable. La crise écologique situe la quête de justice et de paix dans un nouveau contexte. En entraînant de nouvelles formes de pauvreté, la destruction de l’environnement est une source potentielle de conflits. La diminution des ressources, et en particulier la pénurie d’eau pour des millions de personnes, est en train de provoquer la désintégration de la société. Les Églises sont appelées à répondre à ces nouveaux paramètres de justice et de paix. Il ne saurait y avoir de justice et de paix sans une conduite responsable vis-à-vis de l’environnement. Cela vaut tout spécialement pour les changements climatiques. Des efforts substantiels ont été accomplis pour réduire leur impact et pour proposer et appliquer des stratégies efficaces d’adaptation aux conséquences inévitables des changements climatiques, en particulier pour les plus pauvres et les plus démunis.

Styles de vie : le coeur du témoignage chrétien

Mais il y a plus. De nouveaux concepts et de nouvelles orientations sont nécessaires dans l’organisation de la société. Les Églises partagent la responsabilité d’appliquer les valeurs sociales aux conditions de justice mondiale pour la sauvegarde des conditions de vie à long terme et pour de nouveaux modèles de production et de consommation. Comme partie de la communauté internationale, elles sont tenues de défendre les principes sociaux, naturels et moraux d’une société libre, démocratique et écologiquement soutenable, et d’introduire la force libératrice de la foi chrétienne dans le dialogue sociopolitique. Pour trouver des solutions au défi environnemental, le principe de durabilité peut nous servir de guide. Il comprend les trois dimensions de la responsabilité écologique, de la lutte globale contre la pauvreté et de l’efficacité économique au service du développement social. La durabilité fournit un cadre de référence à la pensée et à l’action chrétiennes en matière d’environnement. Dans leur dialogue avec la société, les Églises d’Europe promeuvent les conditions authentiques de durabilité, tout en s’efforçant de les charger d’un contenu spécifique à la lumière de la foi chrétienne et de leurs traditions théologiques propres. L’efficacité technologique peut assurément apporter une immense contribution. Elle doit être encouragée, mais ce serait une illusion de s’en remettre uniquement à des solutions technologiques. Il est de plus en plus évident que les solutions possibles aux principales questions écologiques telles que l’énergie, l’eau ou les transports demandent de nouveaux choix dans notre mode de vie. En dernière analyse, tous les membres de la société doivent organiser leur style de vie personnel d’une façon qui soit compatible avec les conditions de durabilité. Sans un changement des esprits et des coeurs, les solutions technologiques et les négociations politiques pour protéger le climat n’atteindront pas leurs objectifs. De notre point de vue, les Églises doivent par conséquent donner la priorité à la promotion de styles de vie responsables et écologiquement soutenables. La contribution spécifique des Églises au mouvement pour la sauvegarde de l’environnement se situe dans ce domaine. Une réponse spirituelle, basée sur les valeurs chrétiennes fondamentales, doit être développée. Le mode de vie adopté par les chrétiens aujourd’hui est une composante essentielle de leur témoignage devant la société. Le terme « style de vie » ne se réfère pas seulement à la sphère personnelle de chaque chrétien. Il inclut aussi le style de vie des communautés chrétiennes. Le temps des simples affirmations à propos de la création est révolu. Les Églises doivent commencer à travailler sur des projets et proposer des modes de vie alternatifs. Tant les chrétiens pris individuellement que les communautés doivent rendre témoignage de leur foi par un style de vie cohérent et respectueux de la création.

Styles de vie soutenables et valeurs chrétiennes

Se détourner du consumérisme ne peut pas être réalisé uniquement en transmettant des « connaissances écologiques ». Les valeurs, les habitudes et les relations personnelles sont également impliquées dans cette transition. Les questions de foi sont en jeu. Un changement de style de vie ne pourra être crédible que s’il est conforté par une expérience intérieure de « joie et satisfaction ». Le respect de la création, dans toutes ses dimensions, est à la base d’une meilleure qualité de vie. Une culture de vie, élément fondamental d’une authentique spiritualité chrétienne, s’inspirant des riches ressources de la tradition de spiritualité chrétienne, peut dissiper les illusions du consumérisme. Pour les chrétiens, le culte a une importance primordiale. La prière est pour eux la source qui nourrit le respect pour la création. Le Dimanche, jour réservé pour faire mémoire de Dieu, notre Créateur et Rédempteur, peut aider les chrétiens à développer un style de vie soutenable, qui respecte les rythmes de la création et interrompe le travail par un temps dédié au repos et aux réjouissances dans toute la création. L’Eucharistie peut aussi être célébrée comme acte de louange et d’action de grâce pour la création.

Le rôle des Églises dans la société européenne : dialogue et source d’espérance

Afin de répondre au défi environnemental, de nouvelles formes de dialogue entre l’Église et la société sont nécessaires. Ce n’est qu’en étant disposées à apprendre, à travers le dialogue et la collaboration avec les autres Églises, les autres religions, les groupes sociaux et les institutions publiques, que les Églises pourront acquérir les compétences et l’efficacité nécessaires pour répondre aux défis complexes du développement durable. Les deux premiers Rassemblements Oecuméniques de Bâle et de Graz ont mis fortement l’accent sur la nécessité d’un nouvel engagement des Églises. Par la suite, dans la Charta Oecumenica signée en 200l, les représentants des Églises ont déclaré : « Nous voulons coopérer ensemble à créer des conditions de vie durables pour l’ensemble de la création ... et nous engager à promouvoir un style de vie allant à l’encontre des pressions économiques et du consumérisme ». Cette déclaration constitue une base solide en vue d’une « coalition des forces » pour la réalisation de cette grande tâche sur des bases oecuméniques. La démarche de l’Agenda 2l, à laquelle participent déjà de nombreux groupes ecclésiaux de différents pays d’Europe, nourrit l’espoir d’une collaboration avec les autres forces sociales. Les chrétiens doivent rechercher activement le dialogue avec les décideurs dans les domaines politique, économique et culturel. Les Églises, comme communautés globales, sont orientées vers la solidarité nationale, qui est à la base du développement durable. Sauvegarder et redécouvrir l’identité culturelle de l’Europe n’est possible que si tous les États d’Europe s’engagent dans ce processus, avec la perspective éthique d’un respect inconditionnel pour la dignité de toute personne et de l’environnement. Dans de nombreux pays, des initiatives visant à une approche alternative de la vie sociale sont déjà en cours. Nombre d’Églises ont publié des directives pour un usage responsable de l’énergie. Elles encouragent les méthodes de production équitables et appellent au respect des droits humains et à la sauvegarde de l’environnement dans le commerce avec les pays en développement (par exemple dans la production du café, des textiles, des fleurs, etc.). La proposition d’une « économie de communion » trouve une adhésion croissante. Les Églises soutiennent les banques et les investissements dits « éthiques » ou « écologiques », qui fournissent une base matérielle à des projets destinés à promouvoir à la fois la justice sociale et le respect de l’environnement. La gestion écologique des terres et des biens de l’Église est devenu un thème important pour nombre d’Églises, qui proposent des contrats types pour produire de l’énergie à partir des sources renouvelables. Dans le cadre de la « Décennie vaincre la violence », une réflexion a été lancée sur les relations entre écologie et violence. En effet, dans de nombreux pays, les styles de vie commencent à changer. Les chrétiens prennent conscience que leur engagement religieux exige des initiatives concrètes en faveur de l’environnement, en économisant l’électricité, en changeant les modes de transport, en introduisant des systèmes de gestion de l’environnement, en achetant la nourriture produite localement, en s’efforçant de recycler les déchets, en participant aux investissements orientés vers des activités soutenables, à l’éducation à l’environnement et à la coopération au développement. Il faut rendre hommage à certains monastères et communautés chrétiennes résidentielles, devenus des modèles d’une vie écologiquement responsable. Dans leur grande diversité, ces petits pas en avant sont un symbole de l’espérance qui vient de Dieu. Les chrétiens peuvent s’appuyer sur la force d’espérance et de paix qui leur vient de leur foi pour devenir capables de changer et d’agir de façon responsable. Un soutien résolu, déterminé et engagé en faveur de la protection du climat n’est pas une question secondaire pour la religion chrétienne, mais au contraire la pierre de touche de sa force d’espérance libératrice, de sa capacité d’invention créative et de sa lutte inlassable pour la justice. La responsabilité partagée envers la création est pour les Églises d’Europe une occasion importante de rapprochement oecuménique.


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